La santé communautaire est une vraie alternative à la nouvelle loi SANTE 2022, potentiellement dispendieuse et inefficace, détruisant certains acquis positifs comme les réseaux de santé. Juin 2019

Dans la loi SANTE 2022 en cours de discussion au parlement, il est question de mettre en place des "CPTS" (Communautés Professionnelles Territoriales de Santé). "Les communautés professionnelles territoriales de santé sont composées de professionnels de santé dont le but est "d’assurer une meilleure coordination de leur action et ainsi concourir à la structuration des parcours de santé".

Il y a beaucoup d’argent à la clé, pour financer encore et toujours des professionnels de la santé à faire "plus de la même chose". Pourquoi "plus de la même chose" ? Parce que "l’ARS pourra être amenée à susciter, en concertation avec les unions régionales de professionnels de santé(URPS)" des CPTS. Les URPS (Unions Régionales des Professions de Santé", dispositifs légaux d’organisation des professionnels de santé ont-elles fait avancer la problématique de la santé publique en France depuis qu’elles existent ? Non, trois fois non. Ce sont des paniers de crabes syndicaux, en conflit, et cherchant à tirer leurs marrons du feu, en fait des organes de lutte de pouvoir pour récupérer l’argent public (alors qu’il s’agit principalement de syndicats qui se revendiquent du libéralisme).

Dans l’article que nous proposons à la revue PRESCRIRE sur "la coordination microlocale de santé" (cf. Rubrique questions de fond), nous rappelons que l’IGAS a maintes fois pointé du doigt l’absence quasi totale d’investissement et de compétence des médecins dans la coordination, quel que soit sa forme (médecin référent, médecin traitant, forfait coordination, maisons de santé pluriprofessionnelles).

Quand des projets de coordination se mettent en place (maisons de santé par exemple) ces coordinations fonctionnent le plus souvent à l’image des staffs hospitaliers, consistant à se réunir pour discuter des "cas" ou des difficultés des professionnels. Or dans tout ce système complexe, compliqué (voir le chapitre 3 de mon livre "Mort de la Clinique"), les dispositifs s’empilent, chacun essayant de prendre une place, mais laissant finalement le patient seul organisateur de sa santé. La notion de "filière de santé" ne résout pas le problème : elle améliore peut-être un peu (cela reste à prouver) le parcours de soins techniques, mais pas le parcours de santé. Quelle est la différence entre parcours de soins et parcours de santé ? La même qu’entre la santé comme absence de maladie et la santé comme bien-être, la même qu’entre santé publique (la population est une désubjectivation de la personne) et santé communautaire dans le cadre de la charte d’Ottawa où le plus important est de favoriser "les processus qui confèrent aux individus et aux populations un plus grand contrôle sur leur propre santé".

CPTS, Nième dispositif de professionnels de la santé qui discutent entre eux de la maladie (surtout) et de la prévention (un peu, surtout les vaccins et le dépistage, donc centré sur la maladie aussi). En santé communautaire, au contraire, les professionnels de la santé ne sont que des co-acteurs du projet de la santé de la personne, qui, pour respecter la loi sur le droit des malades de mars 2002, reste le seul décisionnaire. Dans l’approche communautaire de la santé, le maître concept est la coopération équitable entre tous les acteurs sociaux (professionnels de santé, du social, de la justice, de l’éducation, du droit du travail, etc., politiques, associations, voisinage et personne elle-même). Cette "coopération" ne peut se faire qu’au plus proche de la personne, certainement pas dans un staff regroupant des dizaines (voire centaines) de professionnels comme prévu dans les CPTS. En approche communautaire, , le "réseau" des acteurs se reconstitue pour chaque personne en fonction de la situation, des besoins et des attentes de la personne. Chaque réseau sera donc composé différemment. Pour répondre à des demandes pointues (comme par exemple pouvoir mourir à domicile, souhait d’une grande majorité de nos compatriotes), ce réseau local fera appel à de l’expertise qui devra être organisée elle-même en réseau, c’est à dire apte à mobiliser avec le réseau local les ressources nécessaires aux besoins de la personne, avec un réel suivi 24/24. Aucune équipe mobile hospitalière ne fait cela. Ils donnent des conseils en visitant la personne, et en laissant leurs conseils à disposition des acteurs locaux. Ils ne s’inscrivent pas, contrairement aux réseaux de santé comme NEPALE (https://www.nepale.fr/) dans une permanence de leur expertise 24/24, infirmière et médecin. Si un tel réseau pouvait s’appuyer sur une dynamique locale de santé communautaire le système serait plus fluide. C’est cette démarche locale de santé communautaire que nous avons mis en place dans le Nord Drôme et qui est financé comme "expérimentation" par l’ARS Auvergne Rhône Alpes. Vous trouverez dans la rubrique Projets en cours le texte que nous envoyons à la revue Prescrire sur notre idée de "coordination microlocale".

A l’AFRESC, notre optique d’organisation du système de santé est la suivante : la coordination et l’élaboration du projet de santé de chaque personne nécessite un accompagnement personnalisé. Qui dit accompagnement personnalisé dit possibilité de vrai contact, de rencontre physique entre la personne et l’accompagnant. Cela ne peut se faire qu’au niveau très local. Aucune coordination ne peut se faire sur un très grand territoire (les CPTS vont concerner des dizaines voire des centaines de milliers d’habitants) sauf s’il s’agit d’un apport d’expertise sur un sujet précis. Or ce type de coordination existe : il s’agit des réseaux de santé Ville-Hôpital. La coordination microlocale n’existe pas encore, même dans les maisons de santé. Parce que les maisons de santé ce sont d’abord des projets médicaux, portés par des médecins,qui, pour la plupart, n’envisagent pas d’autre modalité de pratique que la médecine qu’ils ont appris à l’hôpital. Pour créer de la coordination locale, il faut sortir de la logique médicale, il faut arrêter de confier au secteur sanitaire la pleine responsabilité de la santé publique. C’est ce que dit aussi la charte d’Ottawa : "seul, le secteur sanitaire ne saurait offrir les conditions préalables et les perspectives favorables à la santé".

Dans la rubrique questions de fond, je mets en ligne une émission de radio (Radio Télévision Suisse La Première) à laquelle j’ai participé, et un article publié par le blog "l’âge la vie" sur la problématique de la psycho gériatrie où l’on peut percevoir que la philosophie de l’approche communautaire de la santé se transposent très bien dans les situations les plus variées : accompagnement à la vie des personnes démentes, des personnes handicapées mentales vieillissantes.

On est loin de tout cela avec cette (encore) nouvelle loi. Les médecins sont contents : il y a de l’argent à prendre... Pouvait-on attendre mieux d’une ministre médecin hospitalier, proche de l’industrie pharmaceutique ?

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