Première séance de travail : « Quelle liberté de penser dans l’institution ? »

Première rencontre du séminaire de recherche AFRESC

« Quelle liberté de penser dans l’institution ? »

Première séance de travail du 8 décembre : Quel objet de recherche ? Commentaires et analyses autour du texte de Enriquez « la clinique du pouvoir », partage d’expériences et analyses. Débat, mise en perspectives et synthèse : définition de l’objet. Validation.

1. Texte d’ouverture de la présidente :

Lors du bureau qui a suivi l’assemblée générale d’octobre, l’équipe a réfléchi aux débats provoqués par la lecture du texte proposé. La question « peut-on penser dans l’institution » avait semblé de formulation provocatrice et restrictive, laissant supposer que les gens ne pensent pas. Faudrait-il lui préférer « A quoi pense-t-on dans l’institution » ? Les institutions dans lesquelles nous sommes engagés, offrent-elles des espaces et des temps pour penser autre chose que l’organisationnel ou l’opérationnel ? Avant de tenter un début de réponse, et pour revenir à la question du jour « définir notre objet de recherche », je propose que nous nous penchions sur le dictionnaire (Petit Robert, et Larousse) pour définir les mots qui jalonnent ces questions :

DEFINIR : Préciser, fixer, cerner.

OBJET :
- Toute chose concrète, perceptible par la vue, le toucher.
- Chose solide considérée comme un tout, fabriquée par l’homme et destiné à un certain usage
- Ce sur quoi porte une activité, un sentiment, etc.
- But d’une action, d’un comportement
- Freud : Ce en quoi ou par quoi la pulsion peut atteindre son but

RECHERCHE : Ensemble des activités, des travaux scientifiques auxquels se livrent les chercheurs. PENSER :
- Former des idées dans son esprit ; concevoir des notions, des opinions, par l’activité de l’intelligence, par la réflexion.
- Croire, avoir la conviction de, que
- Avoir l’intention de
- Concevoir, imaginer en fonction d’une fin déterminée

INSTITUTION :
- La chose instituée (groupement, régime)
- ensemble des organisations sociales établies par la loi ou la coutume
- pratique, etc solidement établie.

Devant cette définition de l’institution qui prête à la considérer comme immuable et quelque peu « plombée », je souhaite citer ENRIQUEZ « L’organisation en analyse » (PUF) : « Plus une institution est vivante, se rend compte de ses contradictions internes, se pose des questions, est capable d’ouverture, laisse la place à l’imaginaire moteur, est travaillée par la réflexion et la réflexivité, plus elle maintient à l’intérieur d’elle-même le mouvement instituant, et moins elle risque de tomber dans l’institué, c’est-à-dire dans l’inerte et la répétition. Elle ne peut fonctionner qu’à la condition d’accepter d’être traversée par la lutte pour le pouvoir et les idéologies »

2. Travail du groupe :

Comment restituer notre réflexion ? Je propose que nous privilégions dans les analyses faites par les uns et les autres, la mise en forme d’une problématique, et ce pour essayer d’avancer dans notre objet.

Nous avons dans un premier temps voulu cerner la « pensée » dans le problème de l’institution. La pensée nous apparaît d’abord à chacun sous son versant « interne », une expérience personnelle et intime dont la force créatrice nous semble indissociable de la notion de liberté. Mais cet ancrage dans le « sujet » ne peut être séparé d’une « pensée plus collective », des nécessaires et inévitables interactions avec les autres, des attentes réciproques ou encore de la question du pouvoir. La question du pouvoir et de la domination nous renvoie à l’idée que la liberté c’est « de ne pas se soumettre à ce que l’autre veut que l’on soit » : nous retrouvons là l’idée d’une pensée « de travail » et « de résistance » dans l’institution.

Mais quelle est cette « Institution » qui nous occupe ? Nous semblons mettre toutes les institutions dans le « même sac », or sont-elles toutes comparables ? Lesquelles considérons-nous marchandes ou non (associations, religieuses) ? celles dont on sort ou non (la prison ou les soins palliatifs) ? Et puis n’oublions pas que même dans les institutions dans certaines situations extrêmes la pensée devient une question de survie ; on se trouve obligé d’aller à l’essentiel, on est obligé de penser pour ne pas mourir tout à fait (prison) ou pour pouvoir mourir dignement.

Cependant un problème se pose car l’institution « ne pense pas » par elle-même, ce sont les acteurs, les sujets qui l’agisse. Il nous faut donc distinguer la place des sujets et le fonctionnement des organisations et ce qu’elle produisent afin d’interroger leur interaction. L’institution pense-t-elle pour la personne ? ou bien l’institution devrait-elle permettre aux gens de penser ? L’institution peut-elle admettre que les personnes qui lui sont « soumises », se mettent à penser (risques de l’autonomie des acteurs) ? Et puis quels liens faire avec l’identité des sujets (l’institution en eux) ?

Il semblerait que certaines institutions par leur mode de fonctionnement empêchent justement une pensée libre des sujets et des groupes au travail. L’administration par son fonctionnement bureaucratique paraît encourager ce blocage de la pensée tant elle se focalise sur le « faire », sur l’action immédiate, tant elle est l’outil des politiques publiques. Les plans d’actions, les programmes se succèdent les uns aux autres, rassurant les agents par le sentiment donné d’une lutte permanente contre l’urgence et l’inaction. Comme si la bureaucratie justifiait son inefficacité par une agitation chronique et désespérée, normée mais finalement désorganisée.

Au regard d’autres interventions que nous avons menées dans de grandes associations, ce serait plutôt le « système bureaucratique » lui-même à l’œuvre dans le processus d’institutionnalisation qui est en cause Il est d’ailleurs important de se rappeler que l’AFRESC a eu le désir de lancer ce groupe autour du constat d’un double blocage : celui d’un changement impossible lors de notre intervention en externe (audit, diagnostic) et en interne (position d’acteur dans l’institution) ; notre interrogation était donc de convier des personnes soucieuses de réfléchir à une analyse possible de ce phénomène.

Rappelons nous que l’institution est là pour faire, qu’elle garantit un certain ordre et le rapport à la norme. Comment l’institution peut-elle soutenir une pensée en dehors de la norme, et donc au delà de son rôle attendu ? Réduire l’institution à l’imposition d’une norme étouffante, seulement descendante serait une caricature.

Mais ne peut-on ramener la question du « penser » dans l’institution au « travail » lui-même ? C’est à dire qu’entre le « travail » prescrit en terme de tâches (faire des choses, organiser l’activité des agents, effecteur la mission, ...) et sa réalisation, il y a une opération propre à chaque acteur qui est son « travail » propre, interne : quel sens donne-t-il à ce travail, comment le pense-t-il ?

Ce qui nous amènerait à glisser d’un « comment penser dans l’institution » à un « comment travailler dans l’institution » ramené à la formule : « comment travailler sur son lieu de travail ». C’est donc un « penser au travail », retrouver le pouvoir d’agir, se mettre au travail et donc trouver un périmètre pour échanger autour de soi, là se niche le pouvoir d’agir. Dans d’autres pays, où l’Etat est « loin », la question de l’organisation de la vie commune ne se pose pas dans cette « rigidification » par les règles ou les procédures mais dans une régulation, une négociation collective par la communauté. Il y a un agir collectif qui disparaît de nos organisation au profit d’une professionnalité d’exécution. Cette « réification » de l’institution Enriquez la nomme « morte-vivante » (d’une certaine manière, se comporter comme si on était mort afin de ne plus craindre la mort)

Notre attention se portera donc sur la question des limites, des espaces de travail, des échéances dans l’institution

En effet dans les ensembles humains, il y a des interstices. Quels seraient ces interstices dans lesquels la pensée peut d’infiltrer ? Si nous ne changeons pas l’institution, par contre nous pouvons faire « circuler » de la pensée dans ses « processus ». Il faudrait donc repérer les interstices dont nous nous saisissons, comment nous nous débrouillons avec. Ces « interstices » sont ces « pas de côté » par lesquels nous nous permettons un léger décalage de point de vue et qui nous permet d’observer les mouvements autour de nous et comment nous mettons au travail notre liberté de penser.

Objet transitoire de travail :

A partir de nos pratiques professionnelles au quotidien, réfléchir ensemble, repérer, saisir les opportunités de la pensée interstitielle (là où « ça » pense dans les interstices) pour mettre au travail dans l’institution notre liberté de penser

Prochain programme de travail :

o Titre à trouver pour la prochaine session o Travail sur nos interstices personnels o « Je me suis trouvé dans cette situation qu’est ce qu’on peut en tirer » o Envoi de texte de Fichte et d’Asimov fin février o Prochains rendez-vous les samedis 15 mars et 14 juin (nous demandons une participation minimale de 3 séances sur les 4 de l’année pour garantir la dynamique collective de réflexion dans le séminaire)

Prise de note, compte-rendu : PK, DF, 28 janvier 08

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  • 2008
  • Quelle liberté de penser dans l’institution ? Rencontre de mars 2008


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