Santé publique ou promotion de la santé ? - 2004
Une nouvelle loi de
santé publique a vu le jour en juillet 2004, qui va transformer le
fonctionnement du système de santé. Cette loi imagine la santé publique comme
un mécanicien imagine son métier face à sa machine : pour améliorer la santé,
il suffirait qu’il agisse sur des rouages.
C’était déjà une tendance de la médecine technique, mais cela est aussi une
tendance pour la santé publique. Avoir une population en bonne santé
résulterait d’actions de spécialistes qui règlent la machine avec des actions
appropriées. Or les gens ne sont pas des machines. C’est eux qui décident
d’être ou non en bonne santé (eux, dans un contexte social, économique et
culturel). Un plan comme le plan national de lutte contre le cancer ne peut
être opérationnel et avoir des effets en termes de santé publique que si des
gens sont capables de mettre en place des programmes, d’une part, et d’autre
part si la population a effectivement accès aux programmes, c’est-à-dire
qu’elle décide d’utiliser les services.
On constate le même ordre de problématique avec la CMU : si celle-ci ouvre des
droits aux soins pour les plus pauvres, elle ne garantit pas l’accès à la
santé. On peut en dire autant des mesures destinées à l’emploi ou l’insertion
(RMI, et maintenant RMA) qui sont insuffisantes à permettre à nombre de
personnes d’être " normalisées " dans le circuit de la production.
Ces questions nécessitent de réfléchir en profondeur aux modalités concrètes
d’accès à la santé (et non seulement aux soins) des personnes, et en
particulier les plus en difficulté. Cet accès ne peut être résolu par de
simples mesures administratives. On ne peut pas non plus se contenter de
proposer (voire d’imposer au nom de la santé ou de la sécurité publique) des
services. On doit tenir compte des préférences des gens, et ne pas oublier que
la santé est une ressource et non une fin en soi. Une ressource dont chaque
personne doit rester libre de son utilisation : mettre en place des politiques
de santé publique au nom de la collectivité est légitime. Mais pas au détriment
de la liberté. Car alors la santé s’imposerait aux gens, et d’une ressource,
elle deviendrait une obligation.
Une méthodologie consistant à travailler collectivement avec la population
(démarches participatives et coopératives) pour la santé, permettant de
valoriser les ressources des gens, les laissant libres en même temps que les
poussant à la réflexion sur la santé, et sans pour autant laisser les gens
seuls face à leurs problèmes (comme par exemple dans la relation médecin malade
où c’est à l’individu de programmer et d’établir ses programmes de santé), des
services publics à l’écoute et dans l’accompagnement des initiatives citoyennes,
voilà l’enjeu majeur des pratiques de santé publique. Sans développer ces
méthodologies, sans former les acteurs locaux à ces méthodes, il y a peu de
chance pour qu’aucun programme n’ait d’effet, sauf en terme d’organisation
bureaucratique.
Au contraire, en développant ces méthodes, et en valorisant les ressources des
gens, des milliers de projets voient le jour, dans tous les domaines, comme on
a pu le constater dans les programmes régionaux de santé.
Ce sont ces méthodes, sous-tendues par des concepts issus des sciences
humaines, des sciences biomédicales et de la philosophie qui forment la notion
de promotion de la santé.
Aujourd’hui, la crise du système de santé (et pas seulement la sécurité
sociale) est si profonde qu’il est urgent d’explorer ces pistes, pourtant objet
d’une charte de l’OMS qui date de 1986. L’insuffisance de formation initiale et
continue à ces problématiques explique le retard pris, la tournure
bureaucratique que la nouvelle loi propose comme organisation au système de soin,
et la profondeur de la crise.
Nous sommes convaincus que cette crise ne se résoudra tout simplement pas
par plus de grands programmes verticaux si les acteurs sociaux et la population
ne sont pas parties prenantes des programmations et des décisions. La démarche
des conférences régionales et nationale de santé allait dans ce sens. A
l’AFRESC, nous contribuons à développer le système de santé dans ce sens.
Nombreux sont les partenaires qui y croient et font appel à nous.
Dr. M. BASS
GRIPPE A... Dr Michel BASS. 11 novembre 2009