Edito - Michel BASS - mars 2011

La politique publique de santé, les politiques concernant les enfants, les handicapés ont été profondément remaniés ces dernières années. La politique des personnes âgées est maintenant sur la sellette.

Mais qu’est-ce qui a changé réellement, à part les infrastructures administratives et organisationnelles ? Qu’apporte réellement la loi HPST votée l’an dernier ?

Pour le moment, notre constat est double :

  • D’une part le constat d’une grande pagaille, au sein de quoi le seul mot d’ordre réside dans la RGPP, c’est-à-dire en fait la recherche forcenée d’une diminution des dépenses sociales. Peu importe, en quelque sorte ce qu’on fait si cela coûte moins cher. Un exemple entre tous : la réintégration du budget des médicaments dans le budget des EHPAD. Le but exprimé : diminuer la consommation de médicaments dans les EHAPD. Le contenu : 100 millions d’€… Mais rien sur la nature, la pertinence de ces consommations, l’origine de la surconsommation française, de la confusion entre thérapeutique et pharmacologie à la faculté de médecine. Le but : diminuer le coût. Pourquoi et pourquoi faire : personne n’en sait rient, sauf à penser que consommer moins de médicaments serait meilleur pour la santé. Mais alors pourquoi laisse-t-on l’industrie pharmaceutique dépenser plus en marketing qu’en recherche ? Pourquoi met-on sur le marché des médicaments n’apportant rien de nouveau dans leur classe mais 50 fois plus cher (je pense à certains neuroleptiques, certains diurétiques) ?

  • D’autre part un climat et un terreau propice à la lutte entre les appétits de pouvoir au détriment d’une réflexion et d’une évolution qualitative des pratiques. Un exemple : au moment où les tarifs des médecins sont augmentés (cela coûtera environ 300 millions d’€ en année pleine), ou l’état « force » la CNAM à revaloriser certains actes médicaux, les réseaux de santé, pourtant bien pauvres (moins de 50 millions d’€ en tout), voient leurs budgets diminués (10 à 20 % !), leurs conventionnement repoussés. Alors que les réseaux, contrairement à la grande majorité des acteurs de la santé, ce sont des gens préoccupés par la finalité de la santé publique, et non seulement ses moyens et son organisation. Combien d’hospitalisations peu utiles, voire dangereuses et en tout cas inconfortables sont évitées grâce aux réseaux de soins palliatifs ? Combien de complications évitées, quelle amélioration de la qualité de la vie des malades diabétiques grâce aux réseaux diabètes ? Combien de malades mentaux capables de vivre harmonieusement chez eux grâce aux réseaux de santé mentale ? En ajoutant que ce climat n’est pas du seul fait de l’état et de la politique nationale. Certains Conseils Généraux par exemple, de droite comme de gauche, sont aussi dans ce même état d’esprit gestionnaire.

Face à cela, 2 types de stratégies coexistent.

L’une est typiquement française : elle consiste à trouver une solution et à la reproduire partout. Aujourd’hui, la mode est aux maisons pluridisciplinaires de santé. Si l’idée est intéressante (exercice en groupe pluridisciplinaire, nouvelles modalités de rémunération), nous constatons qu’il s’agit d’un effet d’aubaine pour beaucoup, sans finalité véritable d’amélioration des pratiques de santé, de développement de pratiques de promotion de la santé. Il est offert de beaux locaux, et des exemptions de charge et la médecine libérale continuera de plus belle, car contrairement aux réseaux de santé où on demande des objectifs précis et écrits, des chartes d’engagement, les maisons de santé fleurissent sans objectif ni projet. Quand la France sera couverte de tels dispositifs, il sera bien difficile de demander aux praticiens d’accepter de changer leurs pratiques. Contrairement aux réseaux ou aux autres établissements médico-sociaux qui sont conventionnés (3 ou 5 ans, avec évaluation à la clé), ces maisons pluridisciplinaires sont des investissements immobiliers lourds. Les professionnels y sont encore et toujours payés à l’acte, pour faire la même médecine, celle justement qui pose problème.

L’autre est issue d’une ou deux décennies de professionnels militants de la promotion de la santé et que les collectivités locales ont fini par s’approprier : faire de la santé dans le territoire, et non se cantonner à développer les services de soins (c’est la vieille lutte entre les filles d’Asclépios, Hygie et Panacée). Il y est réellement compris le caractère global de la santé, et des actions à mener. La santé ne se résume pas à l’absence de maladie, et les projets mis en place tentent d’agir sur les multiples facteurs qui influencent la santé de l’homme, en pluridisciplinarité (santé, sciences humaines, urbanisme, écologie, économie, psychologie, philosophie, à différencier de celle du § précédent où il s’agit plus d’une pluri-professionnalité).

Ce que propose l’AFRESC ; privilégier cette deuxième approche en accompagnant les projets et en formant les acteurs

Que ce soit à travers le réseau OMS des villes santé, par le développement des Ateliers Santé Ville, ou par l’engagement des élus de santé, un grand nombre de villes s’emparent de la santé globale et proposent des politiques publiques « saines », où la santé est mise à l’agenda politique de l’ensemble des politiques publiques de développement, cette tendance des années 80 et 90 qui était portée par le réseau des comités d’éducation pour la santé, est maintenant portée par des acteurs publiques communaux ou intercommunaux, voire départementaux. Le soutien de l’état, inscrit dans les lois de 2002, tend à se réduire.

Il faut donc former les acteurs, leur faire comprendre toute la dimension méthodologique, pratique, théorique, éthique de ce genre de pratique. Il faut se donner les moyens concrets de son développement, de sa qualité. Il s’agit d’en permettre la diffusion en marge des enjeux de pouvoir et d’argent qui structurent les évolutions actuelles du système médicosocial, et de revendiquer haut et fort l’absolue nécessité de réfléchir en profondeur à notre système et de continuer à recréer les fondations de son futur.

A l’AFRESC, nous y travaillons depuis 24 ans. Malgré les reflux de ces dernières années, la rencontre, lors de formations avec des coordinateurs de santé des collectivités, nous insuffle le courage de ne pas renoncer. C’est pourquoi nous désirons continuer à proposer notre formation longue « cycle de formation à la promotion de la santé » que le CNFPT proposera pour sa part à nouveau au niveau national.


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